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L'épicerie de l'orage
10 décembre 2011

bon sang de Montreuil

montreuil 3

 

C'était la crise. C'était morose. Tout était gris.

Gris dans le monde. Pas toujours le rose dans nos vies.

On a mis des livres dans nos valises. On a pris des bocaux et on les a remplis. On est parti.

Un peu angoissés, assez découragés par tout ce qu'on entendait. On est quand même parti.

Quand on est sorti du métro, station Robespierre, tu te rends compte, on y est, il est loin le temps où l'on jouait les pique-assiettes dans les allées, et ce fut l'heure.

On a été accueillis comme des rois par Roxane et Malika. 

On a planté nos bocaux, tendu un drôle de fil qui dansait, accroché quelques mots et ce fut le moment. Et nos livres tout en avant. 

D'abord la table pleine et personne devant. Quelques instants. Puis peu à peu...

Alors, ce fut l'heure des grands moments.

Petit à petit, des qui voulaient voir se sont pressés autour de la table. Des questions, de la curiosité. Des lecteurs qui s'arrêtaient, votre joli nom, oui, il y a vraiment une épicerie, et un orage terrible ce jour-là. Des lecteurs qui s'arrêtaient, ils sont beaux vos livres-carnets. D'autres qui soulevaient la couverture et s'en allaient. Beaucoup restaient. Pourquoi ces sujets ? Et ça marche comment ? C'est quoi cette maison ? Et son drôle de nom ? Et la suite ? Et après ? 

Et soudain des lecteurs qui nous aiment comme s'il en pleuvait.

De l'enthousiasme. De grands noms qui encouragent, des petites mains qui tripotent et sourient. 

Mais ce n'était pas que nous, pas seulement ces doutes quant à notre travail qui s'évanouissaient peu à peu. Ce n'était pas uniquement ce bonheur soudain de la rencontre réelle avec nos lecteurs, ce n'était pas seulement la reconnaissance des pairs. C'était beaucoup, c'était énorme.

C'était aussi : 

Ce sont aussi ces grappes d'enfants, du loulou de banlieue au lycéen de province, du bébé en écharpe à l'écolier qui râle parce qu'il déteste les livres, la chaleur et le bruit, qu'est-ce que je fous ici ? Et qui traverse finalement les allées plein de fougue et de curiosité. On les voyait revenir quelques heures plus tard. Les bras, les yeux, la tête... Pétard, Montreuil, ça avait fonctionné ! 

Ce sont aussi ces merveilles trouvées ici et là, en grand nombre, du papier des histoires des couleurs du papier plié plein de vies qui se sont arrêtées pour les créer. Tout un monde qui fourmille qui éteint la radio pour n'écouter que ses mains. Et ces gens qui sont là à proposer leur curiosité.  Loin des discours d'un monde figé qui se meurt sous le diktat des banquiers. (Mention spéciale aux éditions Milimbo ) (et Cécile qui crée quasi en direct) (et bien évidemment Benoît Jacques et Jean-Vincent Sénac) (mais aussi Esperluète) (et tant d'autres). 

Ce fut l'heure des amis, ceux de toujours, ceux d'il y a longtemps. Ceux de nos anciennes vies aussi. Et dans lesquelles la nouvelle venait couler. Doudou et Bruno, Madeleine, Pascale, David, Hedi, Lola, Sophie, Christian, Véronique, Georges, Pascal, Christophe, Marie-Pierre, Michel, Jean-Yves, Nolwenn, Nathalie, Anne-Gaëlle, Marc, Hedwige, Laurence... 

Des retrouvailles émouvantes parfois dix ans, parfois vingt ans après. Les proximités inattendues - vous vous connaissez ? 

Et les nouveaux. Manon et Thierry, rencontrés vraiment là. Et Juliette. Et Jean et Mélanie qui commencent à ne plus être si nouveaux que ça. 

Et ce fut le carré magique : Sabine, Benjamin, Cécile, Frédéric et leurs acolytes. Nos cinq stands réunis sur le même pré. Des petits verres, des caramels, du saint-nectaire, nos manteaux empilés et mêlés, des fous-rires. 

Les rencontres pour de vrai, après des échanges dans le cybermonde. Celles qui sont des amies, celles avec qui pour la première fois on parlait. Céline, Juliette, Marie, Marion et Bruno, Véronique, Charlotte, Oriane, Stef, Ingrid, Maï, Peggy, Anne-Cécile, Isa...

Et bien sûr elle était là, notre libraire de toujours, fidèle des fidèles, Gaëlle, accompagnée de Noémie sans la pluie et Stéphanie enfin rencontrée. 

Ce fut l'heure des artistes. Des grands, de ceux qui le deviennent. Des Hervé, des Ghislaine, des Anne, des Anaïs, des Alexis, des Thomas, des Charlotte, des Arno...

Puis le time des blogueuses et des signeuses avec un merci tout particulier pour la fougue de nos auteurs et illustrateurs. Le stand s'est soudain particulièrement animé, ceux qui attendent, leurs doux échanges, les petits mots attentionnés, les "pour", les pochettes vite refermées, leurs rires et leurs délires, leur talent agité. Un beau moment dans la réserve pour lui dire d'écrire, un petit tour rien que nous deux sur le salon pour lui dire notre envie d'avenir. 

L'heure des prochains. C'est l'heure des braves ? Jen et Alex, une coupe à la main, il faudrait enlever quelques "c'est". Et l'envie d'avancer. (C'est pour bientôt). 

Et l'heure des petites filles qui demandent un bonbon, qui racontent leur sixième, des garçons qui demandent un bonbon, des adultes qui demandent un bonbon, ceux qui montrent leur travail, ceux qui racontent comme ils nous ont connus, les Citrouille, les Psycho, les Blogo. Des filles qui tournent un long moment, achètent "le collège" et en tournant les talons nous glissent délicatement leur nom, celui de leur papa qui signe juste à côté.  

Et l'heure des libraires, leur engouement, leurs inquiètudes, des échanges qui dépassaient souvent le cadre de nos petites productions. Des bibliothècaires enthousiastes qui en redemandaient malgré notre côté carnet.

Ce furent les 30 minutes pour Aligre FM, ce bel échange avec Véronique au petit matin dans l'atelier. Le seul moment de pause, où on a pu un peu se voir en train de tracer notre chemin, faire le point, nous regarder danser. 

Ce fut l'heure des super loulous caïds de CM2 de Villejuif qui tombent d'amour pour les dessins de notre Papillon et une classe entière qui repart avec ses badges accrochés sur leurs blousons.

Et l'heure est à la blague de collégiens : t'arrives à redescendre du carré VIP avec un nuage de lait sans te faire repérer ?

On a parlé, rigolé, conseillé, raconté, montré sous toutes les coutures nos livres-carnets, indiqué où était la sortie, bu des bières, mangé du chocolat, des pralines, des macarons amiénois, on a acheté des livres, on nous en a offert, on a mangé bio et bu du coca, on a coupé du masking tape, on a rendu la monnaie, on a participé à l'achat d'un sanibroyeur (private joke à qui se reconnaîtra ;-)), on a eu mal au dos, on n'a parfois rien mangé de la journée, on a peu dormi la nuit, on n'a rien presque rien vu de Paris sauf le plus important, une petite Esther nouvelle née...

On a lu les cris de ceux qui s'indignent, les mots affichés sur le mur juste à l'entrée. On a compris la colère, on s'est souvenu que ce monde n'est pas toujours doré. 

Il ne faut pas croire. On a dit un peu de mal aussi. De ceux qui copient le travail des autres, de ceux qui te font une dédicace avec trois tampons sans un bonjour ni un au revoir, de ceux qui se la racontent, de ceux qui passent à un mètre du stand sans te saluer, mais ces petites piques étaient savoureuses, elles rendaient les gens géniaux encore plus géniaux. 

Et ce fut l'heure de lundi soir. 

Dans le haut-parleur « Voilà, le salon de Montreuil 2011, c'est fini ». Beaucoup ont applaudi. Et le gars équilibriste sur son échelle qui décrochait déjà les lumières au-dessus de nos têtes.

J'ai fouillé dans mon carton vide pour cacher mes larmes. Et j'ai relevé la tête pour voir et j'ai vu que même quand on est un immense Attila, une Cécile super Rocky, un Rêveur qui en matière de salons n'est plus un Apprenti, on larmoie à la fin d'un Montreuil. 

Alors on s'est montré notre émotion, on a partagé le dernier verre de rouge, on s'est dit qu'on s'aimait et on a l'annéeprochainisé : être ensemble à tout prix.

Il y avait du dernier jour de colo, du retour de combat, du jusque à la lune sans retour.  

Alors.

On a rangé nos bocaux vides dans les valises. Tout était plus léger.

Dehors, rien n'avait bougé. On a entendu le grésillement de la radio.

C'était toujours la crise, encore morose et pas rose, de plus en plus gris. Tout près de nous aussi.

Crise. Europe. Marchés financiers. Et le projet de loi sur la TVA à 7% qui n'en finit pas (de mourir ?). Et bien plus grave partout ailleurs.

La crise, oui. Et le monde à vau-l'eau. Se battre encore et toujours il faudra.

Mais.

On s'est regardé, les yeux embués. On avait l'air de sortir d'un nuage, de descendre du tunnel. Sur le trottoir où il pleuvait on s'est regardé et je crois encore entendre nos voix étranglées

« la morosité c'est rien, tout peut changer demain, bon sang de Montreuil, qu'est-ce qu'on a foi dans le genre humain ! »


Mention spéciale à la dream team de l'épicerie, nos auteurs et illustrateurs qui ont répondu présent alors que tout était encore si flou : mille, mille mercis à vous ! Votre confiance, votre enthousiasme, ça tient chaud ! (Sibylle, Lisa, Gaëlle, Estelle, Aziliz). 

Mention spéciale à nos voisins de salon (c'est chic) : Les Apprentis Rêveurs, les éditions Attila, Cécile Gambini Pavupapri et Espaces 34.

Et mention so so spéciale du jury, avec un immense merci : La maison est en carton

 



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Commentaires
C
j'ai été très heureuse de faire votre connaissance<br /> et quelle jolie bulle d'air de voir des gens passionnés, qui ont envie et proposent des choses nouvelles
T
Oui, elle est grande la famille des gens qui aiment les gens... C'est grisant et c'est bon, non de non !<br /> A très bientôt, les beaux épiciers.
P
Quel enthousiasme (communicatif) dans ce billet ! :-)<br /> Et dire que j'ai raté tout ça... je n'ai pas réussi à venir te voir 'en vrai' alors que j'étais si près. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.<br /> En tout cas, heureuse de lire que tout s'est aussi bien passé (et même mieux que ça à te lire) pour vous
N
Hé, hé, j'adore ce billet, tu résumes bien le tourbillon qu'est ce salon !<br /> C'était chouette de vous revoir et oui, oui, à l'année prochaine !!!
I
Quel plaisir de vous lire...<br /> Cet article est très beau... Tellement simple, sincère et généreux... <br /> Bravo...pour l'article et... pour le salon!<br /> C'était bien agréable de vous rencontrer...<br /> RV pris pour l'année prochaine! ***
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