Petits cailloux #2

Mais c'était sans compter sur la suite de l'histoire...
Nous avions oublié la fin. On est allé le lendemain matin la chercher sur Internet et nous avons lu :

Le vieux prof leva alors les yeux vers son groupe et demanda : "Quelle grande vérité nous démontre cette expérience ?".
Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet de ce cours, répondit "Cela démontre que même lorsque l’on croit que notre agenda est complètement rempli, si on le veut vraiment, on peut y ajouter plus de rendez-vous, plus de choses à faire". "Non", répondit le vieux prof, "ce n’est pas cela. La grande vérité que nous démontre cette expérience est la suivante : si on ne met pas les gros cailloux en premier dans ce pot, on ne pourra jamais les faire entrer tous ensuite".
Il y eut un profond silence, chacun prenant conscience de l’évidence de ces propos. 

Le vieux prof leur dit alors : "Quels sont les gros cailloux de votre vie ? Votre santé ? Votre famille ? Vos amis ? Réaliser vos rêves ? Faire ce que vous aimez ? Apprendre ? Défendre une cause ? Vous relaxer ? Prendre le temps ? Ou toute autre chose ? Ce qu’il faut retenir, c’est l’importance de mettre ses gros cailloux en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas réussir sa vie. Si on donne priorité aux peccadilles (le gravier, le sable), on remplira sa vie de peccadilles et on n’aura plus suffisamment de temps précieux à consacrer aux éléments importants de sa vie."

"Alors n’oubliez pas de vous poser à vous-même la question : Quels sont les gros cailloux dans ma vie ? Ensuite mettez-les en premier dans votre pot." 

Et nous nous sommes levés légers et soulagés.

Car que faisons-nous depuis plusieurs mois si ce n'est exactement ce qui est ici enseigné ?

Nous avons à un moment choisi de mettre en premier dans notre vie ce qui nous semblait être le plus important.

Les choses ne se sont pas faites facilement. Il a fallu tout d'abord quitter un confort bien réel de vie salariée, rythmée et orchestrée, apprendre à vivre autrement, parfois à contre-courant, parfois avec des regards obliques, jaloux et critiques. Mais en lisant cette histoire, je me suis dit : c'est exactement ça que nous avons fait, que nous sommes encore en train de faire aujourd'hui, placer en premier ce qui nous semble important dans la vie.

Parmi ces gros cailloux, au milieu de choses très personnelles qui concernent nos enfants, notre famille, un certain art de vie aussi, il y a le gros caillou Création de notre maison d'édition. Et même si ce caillou s'appelle aujourd'hui Création et Publication des premiers livres de la première collection sur laquelle on travaille depuis des mois, ça ne change rien, je peux vous dire qu'il est énorme et bien tanqué au fond du vase.

Alors parfois bien sûr nous sommes comme tout le monde happés par un quotidien qui nous plombe. Nous changeons de regard sur les cailloux. La priorité c'est l'autre activité, celle qui nous fait vivre, la discussion du soir porte sur les conflits stupides et dérisoires qui nous entourent, la fatigue nous gagne...

Il faut lutter.  Non, cette création ne doit pas être le grain de sable que l'on met en dernier. C'est un gros caillou à qui l'on donne sa place et que l'on protège, que l'on polit, que l'on chérit.

Bien plus qu'un gros caillou. C'est un énorme rocher qui nous abrite des flux destructeurs, et sur lesquels, arapèdes, nous nous accrochons et y collons nos rêves et nos envies, notre regard sur le monde, une expérience de la vie, tout ce dont les autres cailloux du bocal nous ont nourri.